Mettre en place sa politique Rse n’est pas insurmontable, même quand on part d’une entreprise déjà existante. Dans cet article, vous trouverez une étude de cas détaillée des actions et des enjeux d’Efalia. Honnêteté et transparence sont de mise !
“Je ne sais pas qui est le communiquant qui a trouvé cette idée à la con, mais on va leur dire de supprimer leurs mails et ça sera réglé. Bien sûr que ça a un impact ! Il vaut mieux éteindre les appareils électriques que de les mettre en veille. Mais en termes d’ordre de grandeur c’est que dalle.”
Pour recontextualiser un peu les raisons qui nous poussent à écrire cet article, il faut savoir que nous avons interviewé Timothée Saumet pour notre émission Impact at Scale. Il est le Chief Impact Officer (CIO) d’Efalia, une entreprise de logiciels pour la dématérialisation de documents qui s’engage pour la Rse.
Quand on parle d’une entreprise créée il y a une vingtaine d’années, on a du mal à imaginer des démarches de développement social et environnemental concrètes. Le plus souvent, on nous parle plutôt d’actions cache misère sans réel impact 🤦. Et pourtant, il peut y avoir matière !
Après avoir vendu sa start-up Tilkee et fort de son expérience dans le numérique et l’entrepreneuriat, Timothée s’est vu propulsé à ce poste. Ce qui correspondait très bien à sa prise de conscience écologique quelques années auparavant. (Sachant que l’entreprise ne l’avait pas attendu pour commencer le développement d’une politique Rse.)
La mise en place de leurs actions de Responsabilité sociétale des entreprises se découpe en 3 étapes :
🔎 Sans état des lieux, impossible de mettre en place une politique Rse. Pour ça, il est nécessaire de faire appel à des experts qui maîtrisent vraiment les normes Rse et qui sont capables de poser un cadre.
En prenant en compte leurs quelque 150 collaborateurs, pour plus de 10 millions de chiffre d’affaires annuel, l’entreprise a réalisé un bilan carbone 1 an avant l’arrivée de Timothée. Ils ont ainsi pu constituer un plan d’action.
⚔ Objectif : diminuer les émissions de CO2 de 8% par an.
C’est là que Timothée entre en jeu en tant que CIO. Son rôle, en plus de gérer la transition lors du rachat de Tilky par Efalia, est de faire en sorte que le plan d’action soit bien suivi. Il est aidé d’une “🟢 green team” : salariés bénévoles prêts à concevoir une organisation différente pour le changement. Pour des actions réduisant l’impact de l’entreprise sur l’environnement.
La force de ce système est notamment dû, d’après Timothée, au fait que les collaborateurs qui l’accompagnent font tous partie d’une branche différente de l’entreprise. Ainsi, en impliquant divers acteurs, on réussit à croiser les expertises tout en inscrivant la démarche dans l’ADN de l’entreprise 🧬. En prenant ce parti, on s’affranchit du besoin d’un pôle dédié qui ne parvient pas souvent à s’intégrer.
Mis à part une alternante qui rejoint l’équipe très prochainement et qui n’aura que le développement Rse comme préoccupation, les collaborateurs se retrouvent tous 1 fois par semaine. C’est une réunion en visio, d’une heure seulement. 🗓
⚠ Ils y parlent d'actions concrètes à mettre en place jusqu’à la prochaine période. C’est-à-dire que le plan Rse est découpé en tâches, en objectifs bien visibles qu’il est nécessaire de prioriser.
Puisque non, il n’est pas prioritaire de harceler ses collaborateurs pour qu’ils suppriment leurs mails. Surtout lorsque le gros des émissions carbones de l’entreprise se situe dans des aspects très différents comme on le voit un peu plus bas.
Alors à chaque réunion, chacun se charge d’une ou deux tâches et en prend la tête. Certaines peuvent être relativement rapides : instaurer le tri dans chaque bureau. D’autres beaucoup plus longues, sur plusieurs mois : mettre en place une politique d’achats responsables pour tout le groupe, tous les services. Le tout est d’y insérer suffisamment de pédagogie pour que les changements s’opèrent.
C’est une énorme partie des émissions de l’entreprise puisque :
Toucher à l’intimité des collaborateurs est compliqué, nous y reviendrons. Mais Efalia tente déjà de proposer quelques alternatives intéressantes pour cet aspect de leur politique Rse. Dans un premier temps, une vraie politique de pédagogie est en place :
Mais des mesures plus palpables sont aussi proposées :
Occuper de grands bureaux implique nécessairement une consommation d’énergie plus importante. Rien d’illogique ici. Prévoir un poste de travail par personne demande beaucoup d’espace, beaucoup de chauffage et beaucoup d’électricité.
Efalia a donc mis en place une pratique de plus en plus adoptée, le flex office. C’est-à-dire que les bureaux ne sont pas attitrés à une personne particulière. L’impact, si minime puisse-t-il paraître au premier abord, n’en reste pas moins très intéressant. Combiné à la politique de télétravail dont nous avons parlé précédemment, il permet de restreindre la taille des locaux.
Nous avons eu la chance d’interviewer un groupe suffisamment important pour illustrer plusieurs situations :
On y pense peut-être moins souvent dans les politiques RSE, mais l’utilisation du matériel a un impact direct sur les émissions d’une entreprise. Ou plutôt sa mauvaise utilisation 🤫.
C’est-à-dire qu’il est parfaitement inutile de faire attention à la provenance de ses outils s’ils restent dans un coin. Leur production a un coût environnemental. L’objectif est donc de :
Au-delà de ça, la sensibilisation aux achats reconditionnés ou d’occasion n’est plus vraiment originale. Il va sans dire que c’est une nécessité lorsque cela est possible et c’est une option qui rentre heureusement de mieux en mieux dans les mœurs.
Dans notre cas, Efalia applique cette logique aux scanners qui représentent le cœur de leur métier. Vu le secteur d’activité, il est impossible de s’en passer. Ils en prennent donc le plus grand soin.
🗂 À côté de ça, l’entreprise porte une attention toute particulière à l’optimisation des serveurs sur lesquels ils hébergent leurs ressources. Les rachats de société, qui font partie de leur stratégie de développement, impliquent forcément un chantier de mise en commun. Et sur ce point, leur collaboration avec OVH semble montrer des métriques de plus en plus prometteuses.
Ce sont 50% des émissions d’Efalia. C’est énorme 😱.
Et pourtant c’est un des chantiers les plus difficiles à attaquer : l’action des banques qui les accompagnent ne dépend pas d’eux. Et sans citer de noms, on sait très bien que le durable ne fait pas partie de leurs stratégies !
La priorité de l’entreprise se situe donc la politique d’achats plus responsables. C’est un vrai sujet qui se joue auprès des partenaires bancaires. Ainsi, ces partenariats ne dépendent pas du CIO mais bien du CSE. Tout un travail (de pédagogie là encore) est enclenché. Et si Timothée souhaiterait que les fonds soient redirigés vers une banque plus éthique telle que La Nef, il ne peut que poursuivre son travail.
“Je pensais pouvoir arriver à grand coups de baguette magique”
🧐 Dévier les habitudes des employés pour de vrais changements implique assez rapidement de se tourner vers la sphère privée. Organes à part entière d’une entreprise, leurs habitudes impactent directement le bilan carbone ! Déplacements, nourriture et organisation personnelle ne sont que des exemples.
Où se situe donc la limite entre vie professionnelle et personnelle dans la mise en place d’une politique Rse ? Hormis avec une démarche de sensibilisation bien tournée, rien n’oblige les employés à prendre conscience des enjeux d’une politique sociale et environnementale. C’est clairement l’aspect le plus délicat et difficile à gérer pour un CIO. Et le fait d’être porte-parole d’un groupe ne simplifie pas les choses. (Puisqu'à une échelle plus proche de la startup, avec seulement quelques employés, si un fondateur décide d’une initiative, c’est bien plus rapide à faire appliquer).
La solution est alors de sensibiliser encore les collaborateurs. Par exemple, les recrutements sont suivis de 3 jours d’onboarding ⏱ dans cette entreprise. Une période durant laquelle les actions du groupe sont présentées et expliquées. De la même manière, une charte éthique est incluse dans le contrat de ces nouvelles recrues. Le souci étant qu’Efalia n’est pas encore connu pour être un groupe entièrement tourné vers la Rse. Il est encore impossible de se servir des principes des employés comme d’un filtre lors du recrutement.
Enfin, un autre frein à la mise en place d’une politique Rse fluide reste les injonctions contradictoires. Comment concilier bon sens et développement durable de l’entreprise ?
Par exemple, la voiture de fonction proposée aux commerciaux pollue. Mais elle est là. Lors de sa construction, l’environnement en a pris un coup. Ne pas l’utiliser serait en quelque sorte un pur gachi, encore plus que de l’utiliser intelligemment !
Cet exemple est apparu lorsqu’un des collaborateurs de Timothée lui a fait remonter sa difficulté à utiliser un moyen de transport durable pour se rendre au bureau. train bondé qui le faisait arriver en retard. Mobilité douce impossible du fait de la distance qui le séparait du bureau. Ici, le bon sens et le pragmatisme sont essentiels pour garder en efficacité. C’est une des limites des politiques et démarches Rse : il faut garder un juste équilibre entre durabilité et performance 🚀. Ce collaborateur continue de venir au bureau en voiture.
En conclusion, notons que la mise en place d’une politique Rse dans un groupe déjà existant est une suite de parti pris. Pas forcément besoin de normes ISO, de labels spécifiques ou autre médaille en soi. Le plus important reste d’utiliser son bon sens et de s’organiser de manière à ce que tout le monde s’y retrouve et puisse apporter sa contribution. Faire de la prévention à coups d’affiches ne sera pas suffisant pour avoir un réel impact.
Pourtant, Efalia réussit un tour de force en respectant un processus qui lui est propre et permet de faire de l’entreprise une entreprise engagée comme les enjeux actuels l’implique.